Jeunesse de l'église
Jeunesse de l'Église " ? Maurice Montuclard ? Ce titre et ce patronyme, âprement discutés en leur temps, s'enfoncent dans le passé d'un catholicisme français ne brillant guère par sa mémoire. Qui a encore quelque idée, dans ses nouvelles générations dégarnies, de l'enjeu des débats passionnés dont ils ont été le centre, voici tout juste un demi-siècle ? Débats trop souvent réduits il est vrai à leurs conclusions : les sanctions de l'épiscopat, la mise à l'index des Événements et la foi, la réduction à l'état laïc de Montuclard, suivie de la dissolution progressive de son mouvement (1952-1955). Et pourtant, comment écrire l'histoire religieuse de la France au XXe siècle sans y remettre " Jeunesse de l'Eglise " à sa juste place par une reconstitution minutieuse de son histoire-bataille et de son parcours intellectuel, certes moins exaltante que la légende, noire plus souvent que dorée, dont Montuclard et les siens ont été victimes. Telle est la tâche à laquelle s'est attelé Thierry Keck. Il en est issu une thèse de doctorat remarquable dont ce livre reprend la substance. Cette tâche n'était pas facile pour deux raisons majeures : l'absence présumée de sources autres que les publications ardues de " Jeunesse de l'Eglise " ; et plus encore les méandres d'un itinéraire peu commode à décrypter. En fait, les sources existaient. Maurice Montuclard était trop historien pour bazarder les traces des deux décennies les plus marquantes de son existence : les archives du mouvement, complétées par beaucoup d'autres et par des témoignages, ont fourni à Thierry Keck la matière de son étude. Son intelligence des situations, des hommes et de leurs idées a fait le reste. Il fournit ainsi, avec le juste mélange d'empathie et de distance, une restitution convaincante de ce maillon manquant du progressisme chrétien que les meilleurs spécialistes, à commencer par Yvon Tranvouez, appelaient depuis longtemps de leurs vœux. Ce livre n'est donc pas un livre d'histoire religieuse parmi d'autres : il est la première histoire plausible d'un mouvement sur lequel se sont peu à peu entassés les lieux communs et les à-peu-près, quand ce ne sont pas les contrevérités (sabordage de l'Action catholique ; corruption des prêtres-ouvriers ; agence d'infiltration du communisme au sein de l'Eglise)