Etude des céramiques phosphocalciques de substitution osseuse en territoire irradié
Les carcinomes des voies aérodigestives supérieures représentent 12,5 des cancers chez l'homme. Leur traitement nécessite le plus souvent une exérèse large associée à une radiothérapie complémentaire. Dans certains cas, le traitement chirurgical est effectué en territoire préalablement irradié. Les risques de défaut de cicatrisation sont alors élevés. Ces traitements sont destinés à apporter le meilleur taux de survie, mais sont mutilants, en particulier si l'extension tumorale requiert l'ablation de l'os environnant (mandibulaire et/ou maxillaire). Les séquelles thérapeutiques sont dominées par des handicaps esthétiques et fonctionnels très marqués dans la région cervico-faciale. Les procédés de reconstruction osseuse classiques en territoire irradié ne sont pas toujours possibles, en raison des difficultés de cicatrisation, de radionécrose, ou d'impossibilité liées au terrain du patient. En l'absence de toute pathologie tumorale, les phosphates de calcium biphasés (BCP) sont utilisés depuis de nombreuses années pour reconstruire des pertes de substance osseuse traumatique ou dégénérative. En tissu irradié, les propriétés du BCP implanté en site osseux sont mal connues, elles seraient diminuées. Ce travail a eu pour but d'évaluer ce type de matériau quantitativement et qualitativement dans des conditions d'irradiation à doses thérapeutiques ainsi que l'intérêt de lui associer une autogreffe de moelle osseuse. Les études ont été menées chez l'animal. Le BCP était biotoléré en site sous-cutané, et ostéointégré en site osseux. Il n'y a eu ni rejet ni infection. Implanté avant irradiation, le BCP présentait une ostéoconduction plus élevée que lors d'une implantation dans un site porteur de séquelles d'irradiation. La néoformation osseuse n'était pas significativement augmentée par l'implantation de BCP seul. L'apport de moelle osseuse a permis d'améliorer significativement à la fois la repousse osseuse et la dégradation de la céramique. La néoformation osseuse après implantation de BCP associé à une greffe de moelle osseuse atteignait le même taux qu'en présence de BCP implanté seul sans irradiation. Lors d'implantations ectopiques après irradiation, l'apport de moelle osseuse au BCP n'a pas montré d'effet ostéoinducteur, qui pourrait s'expliquer par une carence des structures vasculaires dans l'environnement péri-implantaire. Ces résultats permettent d'assimiler l'implantation de céramiques phosphocalciques dans un os irradié à une implantation en site ectopique. Il est possible de supposer que l'ostéopénie et la diminution des cellules souches après une irradiation thérapeutique ne fournissent pas au matériau les populations nécessaires à sa colonisation. Les résultats obtenus permettent d'envisager positivement l'intérêt de comblements osseux en territoire irradié par des substituts phosphocalciques associés à des cellules de moelle osseuse. Des travaux complémentaires auront pour but de préciser les limites de ces indications, notamment en présence d'ostéoradionécrose, ou dans des pertes de substance de grand volume.