La coexistence oubliée
Cette thèse a eu pour objectif d'analyser, à travers un large éventail de sources primaires, la présence de populations tsiganes en Sardaigne dans la première modernité (XVIe-XVIIe siècles). L'analyse de ces sources, en grande partie inédites - rapports des missionnaires jésuites, actes de l'Inquisition, synodes, pregoni, pragmatiques, actes du Parlement, registres des douanes, actes notariés et fonds paroissiaux - a permis d'abandonner la vision univoque d'une minorité irréductible, persécutée sans trêve et marginale. En particulier, nous avons analysé les relations qui liaient, entre eux et avec les autres populations, les groupes tsiganes sardes, et montré comment leurs relations avec les institutions insulaires étaient articulées et se développaient à différents niveaux, non seulement doctrinal et répressif mais aussi économique et social. Nous avons souligné l'importance des évènements rituels qui scandaient leur vie religieuse, et constituaient un formidable dispositif de construction symbolique qui cimentait l'appartenance des tsiganes à la communauté locale, à travers un vaste réseau de relations, échanges, alliances. Nous avons enfin mis en évidence, grâce à la comparaison avec des documents provenant d'autres territoires, le fait que le processus d'implantation des populations tsiganes en Sardaigne se liait à un processus plus général qui concerne toute la Méditerranée, et que la circulation des groupes n'avait pas toujours un caractère diasporique mais faisait partie de stratégies de mobilité diversifiées. Par conséquent, nous proposons un changement de paradigme interprétatif permettant d'aller au-delà des reconstructions traditionnelles.