J'attends Mehdi
La piscine du camping est déserte et fermée. Lorsque Mehdi ouvre la grille je le dépasse et vais m'asseoir sur un talus surplombant le bassin, à distance. Le tee-shirt rouge vole un instant, puis s'étale lentement sur le béton. Mehdi se jette à l'eau, je vois son torse lisse, à peine. L'ai-je vu ? A peine ai-je vu ce torse lisse que je dois m'en souvenir car l'eau en va-et-vient ondule un corps coulé où le soleil fait déferler des formes fluides, ce corps aux cheveux de méduse traverse l'éclat liquide des figures indécises, étiré-ramassé il glisse sous l'eau comme un poisson de bassin de château et peu à peu la surface se démêle, l'eau est limpide dans la lumière de la soirée, Mehdi nage sur le fond et sa peau à peine floue troue le rectangle bleu. J'attends Mehdi est la traversée d'un désir, dans un improbable face-à-face avec un être qui s'éclipse sitôt que l'on s'en approche. " Je vais être absent un temps indéfini " : voilà le fil sur lequel marche une femme à la recherche d'un homme. Elle nous entraîne au hasard des rues, le long du littoral, du Sud écrasé de chaleur aux côtes ruinées de l'Angleterre, toujours à la lisière entre des lieux imaginaires et une réalité géographique. Dans cette poésie de l'errance portée par l'acteur principal du livre, un homme peut en cacher d'autres.