A l'ombre du roman-feuilleton
Le romancier et journaliste Marie Aycard (Marseille, 1794-1859) n'a pas été retenu par l'histoire littéraire, comme beaucoup d'autres auteurs considérés comme "secondaires" ou "mineurs". Contemporain des grands changements qui s'opèrent dans les entreprises de presse sous Louis-Philippe (1830-1848), il participe activement à une reconfiguration de la presse politique qui s'ouvre de plus en plus à d'autres types de lectures, à finalité divertissante, en composant, à partir de 1837, des feuilletons hebdomadaires dont le succès se mesure par le grand nombre de reproductions qu'ils connaissent dans les journaux de Paris et de toutes les régions de France, dans la francophonie limitrophe ou lointaine, mais aussi en traduction dans toutes les langues européennes et sur plusieurs continents. Cette diffusion nationale et internationale, favorisée par l'absence de droit d'auteur, fait de Marie Aycard et de ses productions un ambassadeur de la culture parisienne et française dans la sphère médiatique de son temps, souvent de façon anonyme. La numérisation récente et massive de journaux du monde entier met ce phénomène en évidence de manière particulièrement saisissante et permet de reconsidérer notre approche de la "popularité" d'un contenu circulant à grande échelle, et notre compréhension du réseau médiatique, opérationnel et structuré internationalement, entré dans une dynamique d'expansion continue, dès les années 1840.