La création
Lorsqu'ils publièrent, de 1873 à 1892, un ensemble de six volumes inexactement intitulé Œuvres complètes d'Agrippa d'Aubigné, Eugène Réaume et François de Caussade inclurent dans leur collection un long poème, la Création, qui fut ainsi attribué, plus ou moins par hasard, au grand écrivain. Depuis, les exégètes de l'œuvre albinéen l'ont évoqué dans leurs travaux, non sans être gênés par les différences qui existent entre cette Création et, par exemple, les Tragiques. Or il se trouve que l'attribution est indue : la Création n'est pas, ne peut pas être, d'Agrippa d'Aubigné, pour des raisons d'ordre chronologique et stylistique. Débarrassé de cette encombrante paternité, il demeure un texte mystérieux, dépourvu d'auteur, à la croisée des genres, entre hexaméron et poésie gnomique ; un témoignage de l'influence considérable exercée à la fin du XVIe siècle par la Sepmaine de Du Bartas, mais également une œuvre représentative d'une certaine manière de rendre le monde intelligible, grâce à la mise en ordre de l'univers que propose la poésie. Ce volume en donne la première édition critique et annotée, à partir de l'unique manuscrit conservé à la Bibliothèque Publique et Universitaire de Genève.