Les Livres de Job
Le Livre de Job est le livre du scandale. Job avance une these qu'il affirme et surtout qu'il defend, envers et contre tout; une these diabolique qu'il revendique contre tous ceux qui l'accusent d'avoir peche, blame, maudit ou blaspheme. La justice de Dieu, dit Job, la justice dont parle la Bible, celle qui repose sur la Loi et depend d'une souverainete de toute puissance, n'aura rien ete d'autre qu'une justification, qu'un discours de falsification ou de denegation, qui justifie le mal, la violence, l'injustice donc, et qui invente le pire. La justice justifie: c'est la these de Job. C'est l'hypothese qui s'ouvre a l'horizon des voix multiples de Job. Mais il y a plus encore. Des lors que la justice se dit de Dieu, du Tout Puissant, du Souverain, des lors qu'elle releve de la souverainete, et quelle qu'en soit l'autorite, qu'il s'agisse de Dieu lui-meme, du Roi ou de l'Etat, la justice toujours justifie l'injustice. Et la, Job ajoute encore un argument. L'injustice que justifie la justice est un produit de la justice, un effet ou un symptome qui force la justice a jouer le jeu de l'injustice, a en jouir. C'est a travers une telle hypothese, que le livre de Job est devenu ce livre du scandale, qui pose et tout a la fois renverse deja les fondements theologico-politiques de la souverainete.