Jean-Marie Berthier
"Poètes trop effacés"... Déjà, la sixième livraison d'une série qui impose son originalité et son exigence, chaque année davantage... Jean-Marie Berthier, donc ? D'emblée, saluons une écriture superbe et limpide jusqu'à la déchirure, dans la haute lignée des plus fraternellement essentiels, du côté de Paul Eluard, de Louis Aragon, parfois d'Oscar Venceslas de Lubicz-Milosz. Mais les comparaisons s'épuisent vite et ce que nous aimons chez Berthier n'appartient qu'à lui-même : cette obsession de se vouloir "dans les marches / du soleil" en dépit du mauvais oeil du hasard et de la nuit, par delà ces deuils impossibles à accepter, ainsi la mort accidentelle de deux enfants. Berthier s'obstine : "J'écris l'espoir / à marée bleue / dans le roulement / du tambour / de la haine". Il maintient son coeur de chevalier "au pays des lys" (relire son poème La jeune fille et le chevalier) au large, et veut faire taire "les rides de la mer". Obstinément, il trace en lui la route de l'Homme : "...je crois encore à la fraîcheur de la rosée / sous les pas des mitrailleurs du matin". Grand voyageur à travers la planète, Berthier aime la beauté et fait du monde entier un vaste atelier d'écriture où tout chante dans l'attente d'un cri retrouvé "à l'interstice de l'homme / et de son ombre".