Genre, ville et économies de frontières
Des hautes vallées dauphinoises aux rues de Lyon et Grenoble, ce mémoire propose une étude des espaces, des mécanismes et des acteurs (hommes et femmes) de la contrebande entre les dernières décennies du XVIIe siècle et la Révolution française. Au sein d'un espace transfrontalier centré sur le Dauphiné mais situé au coeur des échanges européens, la contrebande est alors endémique, qu'elle relève de la simple stratégie de survie mise en oeuvre par les populations montagnardes ou les femmes du petit peuple urbain, ou de la guerre commerciale entre Etats. L'étude se concentre sur deux produits clés des circulations internationales au XVIIIe siècle, le sel et les cotonnades (indiennes). A travers l'analyse du jeu entre taxation, fraude et privilège, qui sous-tend le phénomène du faux-saunage dans les hautes vallées dauphinoises, ce sont les rapports entre les communautés montagnardes de cette région stratégique et l'Etat qui sont interrogés. Quand à la prohibition des indiennes et à son contournement, ils éclairent plus largement l'essor de la mode et de pratiques nouvelles de consommation dont la clandestinité n'est qu'une facette. A l'opposé d'une approche romantique de la contrebande, souvent limitée à de grandes figures de brigands comme Mandrin, ce travail, qui prend en compte tous les acteurs des trafics, du plus humble au plus puissant, montre que la fraude, loin de constituer un phénomène marginal, occupe au contraire une place centrale dans les sociétés et les économies de l'Europe préindustrielle